Beurs, Keublas, Oinichs et Céfrans: procédés sémantiques et formels de création lexicale 

Mae Pozas

Universidad de La Laguna

  

Les dictionnaires, de plus en plus nombreux, concernant la «langue des cités», le «français contemporain des cités», les «tchatches de banlieue», etc., ont montré l’émergence de nouvelles pratiques langagières qui fonctionnent comme de véritables marqueurs identitaires. Nous nous intéressons donc aux procédés de formation lexicale mis en oeuvre dans les appellations des communautés arabe, noire, asiatique et française dans cette variété de français qu’il est difficile de nommer mais qui témoigne de bon nombre de processus néologiques traditionnels: emprunts, transferts de sens, déformations systématiques au moyen du verlan, troncations, redoublements hypocoristiques, suffixation parasitaire, etc.

Ces parlures argotiques dépassent cependant le groupe, se propagent dans la langue parlée, les médias et l’édition contribuant à leur diffusion. Tel est le cas de Beur, verlan apocopé de Arabe, et de son féminin Beurette, admis dans les dictionnaires de langue. Restent Céfran, verlan de Français mais dont le sens n’échappe plus à une bonne partie de la population, alors que Keubla, verlan du mot anglais Black, pour Noir, et Oinich, verlan de Noich, lui-même verlan de Chinois, demeurent restreints à la population verlanisante.

La liste des appellations des diverses communautés est longue et très variée, comme nous allons le montrer dans notre exposé. Citons à titre d’exemple Bab, Babtou et Blonblon pour Français de souche, Jacky et Miaou pour Asiatique, Rabzou pour Arabe, Reubeu pour Beur, Rien pour Algérien, Zien pour Tunisien, Blackos, Blackie et Renoi pour Noir. Reflet de la fonction identitaire et de la fonction crypto-ludique qui caractérisent les sociolectes des jeunes en particulier, le vocabulaire objet d’étude révèle non seulement quelques-uns des traits linguistes les plus saillants mais aussi sa forte dimension sociale.