Amours saphiques et
écriture autobiographique à l’orée du XXe siècle
Claude Benoit Morinière
Universitat de València
Dans les premières années du XXe
siècle surgit une abondante littérature féminine où s’exprime ouvertement
l’expérience souvent douloureuse de l’amour lesbien. Au moment où paraissent
les recueils de poésie que publient les membres du groupe surnommé par la
critique de l’époque "les Amazones" ou les "Bacchantes",
surgissent aussi plusieurs romans autobiographiques développant ce thème
"tabou" pour les plumes féminines, et qui n’avait été traité jusque
là, paradoxalement, que par des auteurs masculins (Balzac, Zola, Théophile
Gautier, Baudelaire, etc.).
Certaines circonstances socio-culturelles semblent expliquer cette mode de la "sapho fin de siècle", et la fascination qu’exerce l’homosexualité féminine sur la création littéraire depuis le dernier quart du XIXe siècle. Héritage de l’imaginaire décadent, retour de la figure de Sapho comme inspiratrice dans tous les domaines artistiques, libération de la parole féminine, rencontre, à Paris, de plusieurs femmes poètes, écrivains et artistes, autour de la personnalité de l’américaine Natalie Clifford Barney, sont autant de raisons qui poussent ces jeunes femmes à braver la censure et à traiter librement le thème de l’amour lesbien.
En comparant L’Idylle Saphique de Lyane de Pougy, Une Femme m’apparut, de Renée Vivien, et Souvenirs indiscrets, récit autobiographique de N. Barney écrit plus tardivement mais qui porte sur cette époque de début du siècle, j’essaierai de montrer les différentes expressions de ces amours "interdites" et leur opposition ou leurs concessions à l’idéologie morale dominante durant ces années de la Belle Époque.